Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, réaffirmant la priorité à la lutte contre le changement climatique et la baisse des émissions de gaz à effet de serre, a fait l’objet de nombreux débats parlementaires à l’Assemblée Nationale.

Petit retour sur mon amendement proposant au secteur agricole de s’emparer de cette question de neutralité carbone, grâce notamment au développement de l’agroforesterie.

Cliquer ici pour voir l’amendement en version PDF, ou ci-dessous directement.

 

 

 

 

 

 

 

Ayant été retenue sur mon territoire ce vendredi 28 juin, c’est donc mon collègue breton, Yannick KERLOGOT qui le défendit en hémicycle et je tiens tout particulièrement à l’en remercier.

Voici alors les échanges avec le Rapporteur du texte et le Ministre d’Etat :

 

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Kerlogot, pour soutenir l’amendement no 344.

M. Yannick Kerlogot. Après avoir débattu de mesures contre les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment ou des énergies fossiles, cet amendement, dont Mme Le Feur est la première signataire, vise à contribuer au respect du plafond national des émissions de gaz à effets de serre défini dans le code de l’environnement pour la période 2019-2023 et pour les périodes suivantes. Il va également dans le sens de l’étude d’impact du projet de loi, puisqu’il vise à ce qu’on atteigne la neutralité carbone dans le secteur agricole.

Il défend les bienfaits du système économique de l’agroforesterie, véritable outil de séquestration du carbone, comme le rappelle un rapport de décembre 2009 réalisé par l’INRA, avec le soutien du ministère de l’agriculture.

Au-delà de la protection de la fertilité des sols et de la lutte contre l’érosion, l’agroforesterie est un mode d’exploitation des terres agricoles qui associe les arbres, les cultures et les élevages. Le rapport de 2009 établissait que l’adoption de ce type de système pourrait représenter un moyen efficace pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : «  L’occupation et la gestion des sols sont directement liés à la capacité de ceux-ci à pouvoir emmagasiner du carbone, soit temporairement dans la biomasse, soit plus durablement dans les sols. Les forêts, les plantations et les arbres champêtres sont ainsi des puits potentiels de carbone. »

En 2015, le rapport Agripsol du ministère de l’écologie et de l’ADEME rappelait : « Le double enjeu pour l’agriculture est donc d’améliorer son bilan carbone tout en imaginant des systèmes de cultures/d’élevage permettant une adaptation/atténuation des effets du changement climatique sur leurs exploitations. »

Plus récemment, en novembre 2017, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation révélait dans son infographie que si l’on augmentait de 0,4 % par an, la quantité de carbone dans les sols, on stopperait l’augmentation annuelle de CO2 dans l’atmosphère, en grande partie responsable de l’effet de serre et du changement climatique.

L’amendement vise à promouvoir la pratique de l’agroforesterie sur les parcelles de plus de vingt hectares, en incitant les agriculteurs à intégrer sur leurs cultures une part significative de plantations d’arbres et de haies champêtres, afin d’alléger significativement le bilan carbone du secteur agricole.

M. François-Michel Lambert. Très bel amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Anthony Cellier, rapporteur. Je remercie chaleureusement Mme Le Feur de son travail et de son investissement sur les sujets liés à l’agriculture, ainsi que de l’apport technique qu’elle a apporté au cours des auditions organisées – pendant plus de cinquante heures – pour préparer le projet de loi.

Vous avez raison : c’est grâce à l’agroforesterie que l’on atteindra la neutralité carbone dans le secteur agricole. Les forêts bien gérées capteront plus de gaz à effet de serre que celles qui seront laissées en l’état. Reste que le seuil de vingt hectares me semble difficile à instaurer. Je ne suis pas favorable à l’adoption d’obligations qui pourraient s’avérer contre-productives. Dans certaines régions, comme la Beauce, où l’agroforesterie n’existe pas du tout, la mesure serait très contraignante et difficile à mettre en place.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François de Rugy, ministre d’État. Même argumentation et même position.

Mme la présidente. L’amendement est-il maintenu, monsieur Kerlogot ?

M. Yannick Kerlogot. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet excellent amendement repose le problème de notre modèle de développement, notamment agricole. On ne peut pas demander à certains d’agir – je rappelle nos échanges sur la fermeture des centrales à charbon et sur la rénovation thermique, où nous manifestons des ambitions nouvelles, que je souhaiterais d’ailleurs encore plus importantes – et ne pas mobiliser certains acteurs majeurs qui pourraient apporter beaucoup à la transition énergétique et écologique, voire à la transformation de nos modèles pour répondre à la question climat. Je pense par exemple à l’initiative « 4 pour 1000 ».

M. le rapporteur n’a buté que sur un point : la dimension des surfaces. N’est-il pas possible de sous-amender, de travailler sur ce point ? Ne peut-on adopter l’amendement tel quel, pour, éventuellement, en améliorer la rédaction au cours de la navette ? Pour ma part, je soutiens pleinement cette initiative de Sandrine Le Feur.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre d’État. Je souhaiterais apporter une précision, en complément de l’intervention de M. le rapporteur. L’amendement vise à imposer l’agroforesterie à toutes les exploitations agricoles de plus de 20 hectares, soit la plupart des exploitations agricoles de France. En seraient exclues les plus petites, ou des exploitations de type maraîcher ou d’une nature comparable.

Il n’est nul besoin d’être un grand connaisseur de l’agriculture pour savoir que, selon les types de cultures et les régions, cet amendement serait absolument impossible à mettre en œuvre. Vous voyez bien que, dans des régions abritant des exploitations de grandes cultures, par exemple céréalières, on ne peut pas décréter, comme cela, qu’on va faire de l’agroforesterie – ou alors, ça signifierait qu’on ne définit pas sérieusement cette forme d’utilisation des terres.

J’ai visité des exploitations agricoles qui recourent à l’agroforesterie, pratique qui est d’ailleurs en développement, et qui est adaptée à tel ou tel type de culture. Je suis un partisan de ce mode d’exploitation et souhaite que l’on agisse de manière volontaire en ce domaine. Je crois profondément que c’est un moyen de répondre aux défis du climat et à certains enjeux agricoles. Toutefois, on ne peut pas l’édicter comme cela, par un amendement de ce type. On peut partager votre volonté et votre ambition sans adopter une telle disposition, qui serait inapplicable er resterait donc lettre morte.

Par ailleurs, nous employons d’autres outils, tels ceux que nous entendons développer avec le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, relatifs aux paiements pour services environnementaux, qui conduiront en particulier, très concrètement, à développer les plantations de haies. Cela concernera aussi les grandes cultures ; les céréaliers sont prêts à le faire, à partir du moment où il existe des mécanismes incitatifs, qui s’intégreront à la nouvelle politique agricole commune – telle est, du moins, la position que nous défendons au niveau européen. Je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Finalement, après vote à mains levées, l’amendement no 344 n’est pas adopté, mais les débats ont pu avoir lieu et ce sujet mérite une grande attention de tous.