En partenariat avec Jean-Hervé Caugant, Président de la Chambre d’Agriculture du Finistère, j’ai pris l’initiative de réunir les acteurs agricoles, représentants d’organisations professionnelles, syndicats, coopératives, banques, collectivités, pour une table-ronde sur les enjeux d’avenir de l’agriculture biologique.

On le sait, les français veulent plus de bio en restauration hors domicile et également dans leur panier de courses. En Bretagne, l’agriculture biologique connaît un essor considérable avec 3000 fermes bretonnes engagées en bio. Si l’agriculture conventionnelle est en souffrance, les agriculteurs engagés en bio tirent encore leur épingle du jeu avec des prix plus rémunérateurs. Il me semble toutefois qu’il nous faut collectivement éviter l’écueil de l’intensification croissante de l’agriculture biologique, qui tirera les prix et nos standards de qualité vers le bas.

Après deux dernières années consacrées aux Etats Généraux de l’Alimentation et à la mise en application de loi EGALIM, qui doit encore porter tous ces fruits, j’ai donc souhaité un temps de concertation dédié à l’agriculture biologique en Finistère dans le but d’aboutir à une vision partagée par tous les acteurs pour pérenniser une agriculture biologique de qualité, ancrée dans les territoires et rémunératrice.

Différents thèmes ont émergé de ces échanges, dont je souhaite au passage souligner la qualité et l’état d’esprit constructif :

– Mieux se structurer pour aller chercher des marchés

La nécessité de la structuration de la filière bio est revenue à plusieurs reprises dans les échanges, en respectant les différents modèles, avec de petites organisations locales comme des coopératives de plus grande taille. Il existe déjà des plateformes, comme Agrilocal ou le site web de la Maison de l’agriculture biologique mangerbiolocal.com. Mais il faut aller plus loin, en s’appuyant, aussi, sur les coopératives, les chambres d’agriculture et les banques.

Pour convaincre ces dernières, et pérenniser les installations de jeunes agriculteurs, le parrainage par des ainés, y compris avec une participation minoritaire au capital, apparaît comme l’une des idées à suivre.

Autre piste: créer un observatoire, pour recueillir, analyser et diffuser largement des données précises sur le marché de la bio, et ses perspectives.

Les aides à l’installation de jeunes producteurs et à la conversion d’exploitations conventionnelles restent limitées et devraient être revues. Pour accompagner ces agriculteurs, la relocalisation de certaines productions, notamment en céréales, semble être une piste.

– Associer les acheteurs et modifier les pratiques d’achat

Les producteurs bio souhaitent associer les acheteurs (grande distribution, restauration collective…) aux discussions. Certes, une médiation existe, introduite par la loi Egalim, mais elle montre ses limites : on constate que les producteurs obtenant gain de cause après intervention du médiateur se retrouvent souvent déréférencés par la suite. Le rapport de forces n’a pas encore changé.

– Question du cahier des charges

Parmi les pistes évoquées, celle d’une meilleure prise en compte de la saisonnalité. Globalement, faut-il créer des normes supplémentaires pour préserver l’agriculture bio française ? La France se targuerait d’être exemplaire, mais au risque de s’isoler, car nous sommes dans un marché européen ouvert. De plus ces règles entraîneraient un surcoût, le consommateur pourrait donc se tourner vers des produits d’autres pays, moins chers. Il faudrait donc travailler à faire évoluer la réglementation européenne.

De l’avis de tous, il manque une réelle vision politique sur l’agriculture. A ce titre, la France pourrait négocier une exception agricole, sur le modèle de l’exception culturelle, pour que les denrées agricoles ne soient plus intégrées aux traités de libre échange, par exemple.

– Développer l’éducation alimentaire

Notamment dans la restauration collective et auprès des parents d’élèves. Pour développer la commercialisation du bio, la pédagogie reste essentielle. L’exemple de la commune de Rosnoën a été ici évoqué : les citoyens sont plus sensibles à ce qu’ils consomment depuis que la cantine a fait le choix du bio

– Anticiper le changement climatique

C’est la nouvelle mission du métier que de faire évoluer les pratiques pour avoir le moins d’impact possible sur le changement climatique. Il faut que l’agriculture s’oriente vers l’agroécologie pour éviter la perte de matière organique dans nos sols.

– Envisager la bio dans toutes ses facettes

Respecter le choix des agriculteurs : qu’ils aient choisi la production, la transformation et/ou la commercialisation, aucun modèle n’est supérieur à un autre. Il faut donc sortir des oppositions anciennes entre filières ou modes d’organisations.

Je remercie vivement tous les participants à cette matinée d’échanges.