Nous nous penchons cette semaine en hémicycle sur un texte visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification du risque incendie. Nous avons tous en mémoire l’été 2022 qui fut dramatique sur le front des incendies et les images des Monts d’Arrée défigurés.

Les projections montrent que le risque incendie va s’accentuer dans les années à venir, d’où la nécessité d’en tirer les enseignements et de traduire les recommandations législatives du rapport d’information adopté en août dernier sur le sujet.

J’ai récemment pu effectuer une visite de terrain avec FRANSYLVA, Syndicat Forestier du Finistère pour évoquer concrètement l’adaptation de nos forêts finistériennes à l’évolution du risque incendie.

Le Finistère est un petit département forestier de 100 000 hectares, occupant 14 % du territoire, alors que la moyenne nationale est de 31 %.

La forêt bretonne est privée à 90 %, avec 28 000 propriétaires en Finistère, détenant en moyenne chacun 4ha de forêt, qui portent donc à 90 % les challenges liés à la forêt. D’où l’importance pour moi de rencontrer le syndicat des propriétaires forestiers pour entendre leur préoccupations et leurs idées afin de préserver nos forêts locales en tenant compte de leurs spécificités.

Nous nous sommes rendus chez Mr Yves-Marie Quéau, à Sizun sur la circonscription. Sa forêt de 30 hectares, mélange de résineux et feuillus, sous Plan Simple de Gestion, est un bon exemple de gestion durable optimisée pour la satisfaction des fonctions économiques, environnementales et sociétales depuis plusieurs générations.

  • Fonction économique car la production de bois soutient à elle seule les 20 000 emplois de la filière bois bretonne, une filière plus importante que la pêche en termes d’emplois générés, tant à travers le bois énergie (chauffage), le bois industrie (palettes, cageots) et le bois d’oeuvre qui repose à 95 % sur les plantations résineuses seules capables de générer les arbres droits et sans nœuds que demandent les scieurs.

C’est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs auxquels la forêt finistérienne doit faire face, à savoir continuer à planter de la forêt de production, donc résineuse, créatrice de valeur ajoutée mais aussi fortement éliminatrice de C02. La forêt de bois d’œuvre est la plus performante en termes de captation du carbone car elle cumule séquestration, stockage et substitution en évitant le recours à d’autres matériaux bien plus énergivores.

  • Fonction écologique

La forêt abrite 75 % de la biodiversité. Le rôle des feuillus, représentant 72 % du peuplement de la forêt finistérienne, est primordial dans ce domaine.
C’est également un levier d’envergure pour le filtrage de l’eau et la captation carbone de nos émissions. La forêt éliminerait ainsi 25 % du CO2 émis. Amener la surface de la forêt finistérienne au niveau de la moyenne nationale, c’est-à-dire passer de 14 % à 31 % permettrait de compenser de l’ordre de 30 % l’empreinte carbone actuelle des finistériens. (8 tonnes de CO2 par habitant et par an).

Je ne m’étend pas sur la beauté des paysages et des sites forestiers et ses fonctions sociétales, tellement évidentes.

Quelle gestion durable en Finistère?

Pour une gestion durable de la forêt finistérienne, certains grands enjeux sont à intégrer. Il s’agit notamment de rendre la forêt plus résiliente face au réchauffement climatique. Les modélisations des experts indiquent que nous perdrons 100 millimètres de précipitations par an dans les 20 ou 30 ans qu’il faut coupler à la diminution du nombre de jours de gel et à l’évolution à la hausse des températures. Les cartes de compatibilité climatiques à horizon 2050 et 2070 font déjà apparaître que le chêne pédonculé aura du mal à se maintenir avec l’évolution des températures.

Nous aurons prochainement l’occasion d’approfondir ces aspects au sein de la commission du développement durable avec un texte actuellement en préparation, mais d’ores et déjà des enjeux d’avenir émergent de cette visite de terrain :

– Éliminer un maximum de CO2 en réservant des hectares à la forêt de bois d’oeuvre

– Planter des résineux pour conserver un équilibre 75-25 entre feuillus et résineux

– Conserver une gestion au niveau régional pour prendre en compte les spécificités du sol et du peuplement local. En Bretagne nous n’avons pas de grands massifs, ainsi les objectifs nationaux de désenrésinement et de limitation des coupes rases n’ont pas la même résonance qu’ailleurs en France

– Adapter les essences au changement climatique, en implantant des arbres plus adaptés aux conditions climatiques futures, telles que le tuya, la cryptomère du Japon, le cèdre de l’atlas

– Mélanger les essences au sein de la forêt afin qu’elle soit plus résiliente aux attaques d’insectes

– Simplifier les dispositifs d’aide à la gestion sylvicole

– Intensifier les échanges avec le monde de la chasse qui a un rôle clé à jouer pour protéger les jeunes plantations