J’interpelle en hémicycle le gouvernement sur la défense de l’échalote traditionnelle de Bretagne face à la concurrence déloyale de variétés d’oignons de semis.
Mme Sandrine Le Feur appelle l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la filière de l’échalote traditionnelle.
Bavette, sauce beurre blanc, béarnaise, l’échalote traditionnelle sublime les plats emblématiques de la gastronomie.
Pourtant, malgré sa notoriété, l’échalote française n’est pas protégée et son nom fait l’objet d’usurpations. De pâles copies livrent en effet une concurrence déloyale à l’échalote, au détriment de la filière mais aussi au détriment du consommateur, trompé par des dénominations mensongères.
Des variétés de semis, issus botaniquement de l’oignon, sont ainsi commercialisés sous l’appellation d’« échalion », habile dénomination marketing qui entretient la confusion. Il ne s’agit pourtant que d’ersatz standardisés qui ne présentent pas les caractères botaniques de l’échalote.
A la différence de ces oignons dont le semis est mécanisé, les échalotes de Bretagne, sont cultivées de manière traditionnelle. C’est la plantation d’un bulbe qui va donner naissance à plusieurs bulbes d’échalote traditionnelle. L’authenticité de l’échalote repose sur la division bulbaire, qui n’existe pas chez les semis d’oignons.
Elle met également en oeuvre un savoir faire unique, l’arrachage se pratique toujours à la main. Un hectare mobilise 150 heures de main d’œuvre. C’est aussi cela qui la rend d’autant plus sensible à la concurrence de variétés nécessitant moins de main d’œuvre.
L’échalote traditionnelle est un exemple, s’il en était besoin, de cette distorsion de concurrence à l’œuvre, y compris entre voisins européens, distorsion contre laquelle je sais que vous vous battez. Un exemple qui n’a rien d’anecdotique tant l’empreinte économique de l’échalote est importante notamment en Finistère. La culture représente 250 producteurs, 1200 emplois directs de la plantation au conditionnement, une quinzaine de sociétés de négoce et multiplicateurs.
Récemment, l’arrivée « Innovator » d’un semencier néerlandais fait peser un risque considérable sur la filière de l’échalote traditionnelle, parce qu’elle présente un potentiel de rendement et de rentabilité sans précédent.
En violation totale des principes et critères du protocole de l’Office Communautaire des Variétés Végétales, les Pays-Bas se sont permis d’inscrire l’oignon Innovator au catalogue échalote. Alors que les tests établissent sans ambiguïté que cette variété n’est autre qu’un oignon ne présentant pas la capacité de multiplication végétative d’une échalote.
J’ai saisi la Commission Européenne et la DG SANTE a reconnu un dysfonctionnement des règles européennes. Elle m’a indiqué retirer le Certificat d’Obtention Végétale pour la variété Innovator, qui va donc retourner en examen technique.
Dans ce cadre, il conviendrait d’exiger que cette analyse soit conjointe entre les offices des deux pays, il s’agit là d’une clause qui existait dans le protocole européen jusqu’en 2009, qui prévoyait en cas de variété se situant dans la zone grise un échange de matériel végétal entre les offices et qu’au besoin un tiers neutre certifie les variétés.
Défendre l’échalote face à la concurrence déloyale d’oignons de semis c’est assurément pérenniser les exploitations familiales, maintenir le potentiel de production des territoires, conserver l’emploi, préserver le revenu des exploitants. Les fermes du Finistère comptent sur vous, Monsieur le Ministre, pour protéger l’échalote des imitations et faire respecter nos protocoles européens.
Je vous remercie.
Réponse du ministre délégué aux comptes publics Thomas Cazenave
Merci Mme la Présidente, Mme la Députée Le Feur, vous attirez l’attention du gouvernement sur la menace qui pèse sur l’échalote traditionnelle cultivée en Bretagne, du fait notamment de concurrences que vous estimez déloyales de la part de nos voisins néerlandais.
Vous savez que le gouvernement est pleinement engagé pour préserver notre filière échalote traditionnelle, dont les savoirs-faire et la qualité sont reconnus, et que vous défendez inlassablement.
Comme vous le soulignez justement, depuis que des sélectionneurs des Pays-Bas ont développé des variétés d’échalote de semis, un différend les oppose aux producteurs français sur la problématique de classement botanique entre oignons et échalotes.
Les services des ministères de l’agriculture français et néerlandais, les offices français et néerlandais ainsi que la commission européenne et l’office communautaire des variétés végétales mènent de concert des travaux depuis une dizaine d’années pour définir des critères techniques plus précis de classement. Le Gouvernement suit de près cette démarche. Le GEVES conduit actuellement, sur financements MASA, une évaluation de marqueurs moléculaires pour essayer d’identifier des caractéristiques propres à l’échalote.
Et oui vous avez raison de le relever dans votre question, nous avons obtenu gain de cause concernant spécifiquement la variété néerlandaise Innovator.
L’OCVV vient de revenir sur sa décision de lui octroyer une protection intellectuelle, compte tenu du fait que les caractères de la variété ne respectent pas toutes les exigences pour un classement en tant qu’échalote.
La Commission européenne devrait désormais demander aux autorités néerlandaises de retirer la variété de leur catalogue.
Nous sommes aussi mobilisés pour valoriser la spécificité des échalotes traditionnelles. En effet, certaines variétés d’échalotes de semis sont correctement classées selon les protocoles d’examen des variétés. Or, comme vous le soulignez, ces échalotes de semis sont nettement moins chères à produire que les échalotes traditionnelles, car mécanisées, et moins sensibles aux maladies et parasites.
Mettre en place un signe distinctif de la qualité et de l’origine de l’échalote traditionnelle permettra de la préserver. C’est pourquoi le gouvernement soutient la démarche de l’association « Collectif de l’échalote traditionnelle de Bretagne » de reconnaissance d’Indication Géographique Protégée. Leur demande est passée en Commission permanente le 12 décembre dernier. Une commissions d’enquête a été nommée. L’instruction de cette IGP est donc en cours [fin prévue en mars 2025].