Question n° 6200 : déposée au JO : 06/03/18

traités et conventions

Situation des « Américains accidentels »

Mme Sandrine Le Feur alerte M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation des « Américains accidentels ».

Bien que franco-américains, ils n’ont gardé aucune attache avec les États-Unis, et, pour la plupart, ont presque toujours vécu en France. Pour autant, le principe de Citizen based taxation, qui fait reposer aux États-Unis le statut de contribuable sur la nationalité et non sur la résidence, s’impose à eux, en vertu de la promulgation le 2 janvier 2015 d’un décret transposant en droit français la loi dite Foreign Account Compliance Act (FACTA). Ce texte vise à mieux lutter contre l’évasion fiscale outre atlantique, mais il a pour conséquence d’imposer à tout individu possédant la nationalité américaine, y compris la double nationalité franco-américaine, de déclarer ses revenus et le solde de l’ensemble de ses comptes bancaires annuellement auprès de l’Internal Revenue Service (IRS), l’administration fiscale américaine.

La loi FACTA impose également à l’ensemble des institutions financières dans le monde de communiquer automatiquement à l’IRS un ensemble d’informations relatives aux comptes financiers détenus par des personnes américaines à l’étranger, bien que cela soit contraire au droit à la protection des données personnelles. De fait, les établissements bancaires français transmettent ces informations au fisc qui les fait suivre à l’IRS. Les assiettes d’imposition diffèrent considérablement entre la France et les États-Unis, notamment dans le cas d’opérations immobilières ou de bénéfices commerciaux. De plus, la procédure de renoncement à la nationalité américaine implique une mise en conformité fiscale préalable, procédure particulièrement longue et difficile à réaliser dans une langue étrangère, qui déclenche en sus le paiement d’une taxe.

Elle lui demande s’il serait possible d’obtenir un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels », leur permettant, soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d’être exonérés d’obligations fiscales.


Réponse publiée le : 10/04/18

En matière de fiscalité, les Etats-Unis reconnaissent en effet le principe de l’imposition sur la base de la citoyenneté, celle-ci pouvant s’acquérir par la seule naissance sur le sol américain. Les citoyens français qui ont aussi la nationalité américaine sont ainsi tenus, par le droit américain, de procéder à une déclaration de leurs revenus auprès des services fiscaux de ce pays et d’acquitter, le cas échéant, les impôts dus. Il en va d’ailleurs de même pour tous les citoyens américains résidant en France.

Une convention fiscale bilatérale ayant été conclue entre la France et les Etats-Unis en vue d’éviter les doubles impositions, ce n’est que dans les cas où l’impôt français est inférieur à celui dû aux Etats-Unis ou que certains revenus ne sont pas imposés de façon effective en application du droit fiscal français et sont, par ailleurs, taxables selon la législation des Etats-Unis, qu’une imposition complémentaire pourrait être demandée par les autorités fiscales américaines.

Le 14 novembre 2013, la France a signé un accord intergouvernemental, dit « accord FATCA », relatif au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers. Entré en vigueur le 14 octobre 2014, cet accord fixe un cadre pour l’échange automatique d’informations fiscales avec les Etats-Unis et vise à protéger la sécurité juridique des institutions financières françaises. Il a été conclu à la suite de la loi « FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act) que les Etats-Unis ont adoptée en 2010 et qui institue une obligation, pour tous les établissements financiers, de transmettre à l’administration fiscale américaine des informations détaillées sur les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains.

Dans ce contexte, un collectif s’est formé pour appeler l’attention du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de l’Economie et des Finances sur la situation particulière des « Américains accidentels », c’est-à-dire de citoyens français ayant également la nationalité américaine mais n’ayant pas de liens avec les Etats-Unis.

En l’absence de liens concrets avec les Etats-Unis, où ils n’ont pas résidé, et de documents officiels de ce pays, ces personnes peuvent en effet rencontrer des difficultés pour fournir les informations demandées par les établissements financiers français, notamment un numéro d’identification fiscale américain dont l’obtention peut être particulièrement longue.

En réponse, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a sollicité l’attention des autorités américaines sur ces situations. La France plaide en faveur d’une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour ces « Américains accidentels », étant entendu que les conditions d’octroi de la nationalité et le principe de l’imposition sur la base de la citoyenneté relèvent de la compétence souveraine des Etats-Unis.

Cette question fait également l’objet de discussions au niveau européen, que suit plus particulièrement le ministère de l’Economie et des Finances. Un courrier a ainsi été adressé au Secrétaire au Trésor américain, le 8 mai 2017, par la présidence de l’UE, appelant son attention sur les difficultés concrètes rencontrées par certains citoyens européens ayant également la nationalité américaine.

La France souhaite poursuivre le dialogue à ce sujet, en intervenant conjointement avec d’autres pays européens également concernés, pour obtenir que, dans les situations où les liens avec les Etats-Unis sont ténus, la procédure de renonciation à la nationalité soit rendue plus simple et moins coûteuse.

Par ailleurs, le gouvernement sera vigilant sur le respect par les banques de leurs obligations à l’égard des personnes de nationalité américaine, afin que le droit au compte leur soit reconnu et soit appliqué de manière effective. La France rappelle à cette occasion qu’il existe une procédure de recours devant la Banque de France permettant de contraindre une banque à accepter l’ouverture d’un compte, l’établissement étant alors désigné par la Banque de France. La France continuera à suivre de près ce sujet et à rechercher des solutions adaptées.