Hausse du prix des carburants : Quelques vérités

Nous avons tous constaté, depuis un an notamment, la hausse du prix des carburants, et en corollaire celle du fioul domestique et du gaz naturel. De nombreux commentaires se sont alors élevés pour pointer du doigt la politique fiscale, notamment écologique, du gouvernement.

Il m’a donc paru important d’étudier de près la situation et de vous en dresser un tableau objectif.

Prix des carburants : part et évolution des taxes

Ce n’est un secret pour personne, la pratique ne date pas d’aujourd’hui, les produits pétroliers sont fortement taxés et sont de longue date, le quatrième poste de recette de l’état juste derrière la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.

Contrairement à une idée reçue, cette taxe intérieure de consommation sur les produits énergétique (TICPE) est fixe tout au long d’une année et n’évolue pas en fonction des cours du pétrole brut. Son montant est fixé dans chaque loi de finance et diffère selon le type de carburant. Par exemple en 2018 elle vaut 59.4 cts pour le gazole et 68.29 cts pour le SP95.

à l’issue du scandale des « dieselgate » (précédente mandature) il a été décidé de rendre moins favorable la taxation du diesel au profit de l’essence sans plomb. Cette décision politique, confirmée par le gouvernement actuel conduit à un effet « rattrapage » qui mènera, en 2021, à une TICPE équivalente entre le gazole et le SP95.

Le tableau ci-dessous montre l’évolution de la TICPE depuis 2017.

Évolution de la TICPE par carburant de 2017 à 2021

Ce tableau montre également, qu’en 2018, la hausse du carburant liée à la taxation n’est que de 3.22 centimes pour le SP95, et de 6.33 centimes pour le diesel.

Enfin, puisqu’il est de rigueur de se comparer avec nos voisins européens notre pays dépasse de 8 centimes la moyenne pondérée continentale (1,48 €). Le prix à la pompe en France est plus élevé qu’en Allemagne, mais moins qu’en Italie et en Angleterre.

Le prix à la pompe soumis aux aléas internationaux

On l’a vu pour ce qui est de l’année écoulée, la hausse de la TICPE n’explique que pour quelques centimes la hausse des prix à la pompe.

En réalité, cette hausse s’explique essentiellement par la hausse du cours du Brut et dans une moindre mesure par l’affaissement du cours de l’Euro.

Les courbes ci-dessous retracent depuis octobre 2016, les variations du cours du baril de pétrole brut et de l’euro exprimé en dollar.

Evolution du cours du pétrole brut depuis octobre 2016
Evolution du cours de l'Euro par rapport au dollar depuis octobre 2016
Evolution du cours de l’Euro par rapport au dollar depuis octobre 2016

On note par exemple que depuis octobre 2017, le baril est passé de 55 à 76$, soit une hausse de 20%.

En réalité cette hausse du baril de brut peut être amplifiée (ou amortie) en fonction du cours de l’Euro. Nous importons un baril libellé en $ qu’il nous faut payer avec nos euros, et donc si l’euro est en baisse par rapport au dollar, notre facture s’alourdira encore. Sur l’année écoulée, l’impact a été relativement faible (moins de 10%, mais 10% tout de même) puisque l’euro a évolué dans une marge très étroite (entre 1.13 et 1.24$ pour 1€).

On se souvient que le baril de brut était monté à plus de 140$ fin 2008, à plus de 120$ en 2012 et 2013. A cette époque, un euro très fort nous avait permis de maintenir les prix à la pompe sous les 1.60€/l.

Les compensations pour les plus fragiles

On l’a vu, la récente hausse du prix des carburants s’explique, pour la plus grande part, par la hausse des prix du brut. Il n’en demeure pas moins que cette hausse pose nombre de difficultés aux plus fragiles d’entre nous.

Pour faire face à ces difficultés, le gouvernement a mis en place un certains nombre de mesures concrètes :

  • la prime à la conversion sera reconduite en 2019, en 2018 :
    – 170 000 demandes ont été enregistrées ;
    – 145 000 primes ont été validées, sur un objectif de 500 000 d’ici la fin du quinquennat ;
    – 70 % des bénéficiaires sont des ménages non imposables ;
    – 95 % des bénéficiaires résident en dehors d’Île-de-France
  • Le chèque énergie, qui permet d’aider les ménages modestes d’acquitter leurs factures d’énergie, sera revalorisé pour que son montant moyen passe de 150 à 200€ en 2019. Il bénéficie à près de 3,7M de foyers, sur la base d’un critère fiscal unique qui est envoyé automatiquement aux ménages concernés, sans démarche à réaliser. Cet effort de solidarité représente 710M€ pour 2019 (+22%). Cf. cet article sur mon site : Chèque Energie : 43 770 bénéficiaires en Finistère
  • Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et les aides de l’Agence nationale de l’habitat qui financent des travaux d’économies d’énergie pour les foyers modestes sont prorogées en 2019

Une politique assumée pour la transition écologique

A ce stade, il convient de rappeler comment se répartiront les utilisations des recettes de la TICPE. Pour 2019 les prévisions font état de  37,7 Md€ de recettes. Elles se répartiront comme suit :
– 12,3 Md€ affectés aux collectivités territoriales ;
– 7,2 Md€ affectés au compte d’affectation spéciale « transition énergétique », qui vise notamment à financer les énergies renouvelables ;
– 1,2 Md€ est transféré à l’AFITF (L’agence de financement des infrastructures de transport de France) ;
– 17 Md€ iront donc au budget général de l’Etat.

Il faut rappeler que le budget général de l’Etat finance nombre de mesures et de dispositifs en matière d’environnement, de transition énergétique et d’actions pour le climat. Sont ainsi prévus par le projet de loi de finances 2019 :
– 43 M€ pour le crédit d’impôt Eco-PTZ ;
– 879 M€ pour le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ;
– 603 M€ pour l’Ademe ;
– 710 M€ pour le chèque énergie ;
– 110 M€ pour l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Conclusions

On l’a vu, la récente hausse des prix des carburants à la pompe s’explique principalement par des raisons macro-économiques liées à la conjoncture internationale (cours du baril de brut, cours de l’Euro).

Il est  vrai que la hausse de la TICPE, en particulier sur le diesel, contribue à la hausse générale du prix du carburant, même si ce n’est qu’à hauteur de quelques centimes d’euros (3 cts pour le sans-plomb, 6 cts pour le diesel).

Les recettes liées à cette augmentation iront pour partie à la transition écologique de notre économie.

Enfin, des mesures d’accompagnement de nos concitoyens les plus fragiles ont été mises en place, elle seront toutes reconduites en 2019.

J’espère que ces quelques éléments vous seront utiles pour étayer votre jugement.