Question n° 10415 – Publiée au JO le 25/07/2023

Reconnaissance de la sensibilité chimique multiple

Mme Sandrine Le Feur attire l’attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la sensibilité chimique multiple ou MCS. Comme sa dénomination l’indique, il s’agit d’une affection caractérisée par une sensibilité exacerbée à de très nombreux produits chimiques du quotidien, tels que les cosmétiques, parfums et produits parfumés, produits de toilette, d’entretien et de lessive, gaz d’échappement, fumées, encres, pesticides, métaux lourds et les nombreux produits chimiques utilisés dans l’industrie.

Résultant d’expositions cumulées et chroniques à ces agents présents dans l’environnement, le MCS fait partie des maladies dites environnementales. Ses symptômes sont variés et handicapants au quotidien, entraînant de la fatigue chronique, des nausées, vertiges, migraines. D’autres symptômes récurrents incluent l’asthme ou encore des inflammations de la peau, des articulations, des voies gastro-intestinales et des voies respiratoires.

Les problèmes majeurs rencontrés par les chimicosensibles affectent leur accès aux administrations établissements publics et services, tant les agents composés organiques volatils sont présents dans l’air intérieur. Il n’existe pas de traitement pour guérir ce syndrome. La seule solution efficace consiste à supprimer les sources chimiques déclenchant les symptômes, de ce fait les chimicosensibles gravement touchés peuvent connaître une exclusion de la vie professionnelle et sociale.

La pathologie toucherait près de 10 % de la population française dont 3 % gravement atteints. Aux Etats-Unis, une croissance de 300 % de l’incidence du syndrome au sein de la population en dix ans a pu être établie. Actuellement en France, le MCS n’est pas reconnu alors qu’il l’est aux Etats-Unis, où la maladie peut être reconnue comme une cause d’invalidité à long terme, au Canada, en Espagne et en Allemagne. Il est également repris comme « autre allergie non précisée » (rubrique T78,4) par l’OMS.

Aujourd’hui en France aucune prise en charge spécifique n’est donc proposée aux patients qui souffrent de sensibilité chimique multiple. Les professionnels de santé méconnaissent cette maladie, ils peuvent même avoir tendance à nier la pathologie ce qui est dramatique pour le patient.

Elle lui demande d’engager une reconnaissance de la sensibilité chimique, afin que les malades puissent bénéficier d’une prise en charge réelle et également d’agir sur la réglementation associée à la qualité de l’air intérieur dans les Établissements Recevant du Public afin d’interdire les substances parfumées vaporisées dans les espaces publics.

Réponse le 28/11/2023

Le syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC), ou hypersensibilité chimique multiple, malgré les recherches étiopathogéniques, qui lui ont été consacrées, demeure médicalement inexpliqué.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le SIOC présente des analogies avec l’hypersensibilité électromagnétique, un autre syndrome associé à des expositions environnementales. Les effets sur la santé sont préjudiciables aux personnes concernées.

L’Institut national de santé publique du Québec a publié, en juin 2021, le rapport « Syndrome de sensibilité chimique multiple, une approche intégrative pour identifier les mécanismes physiopathologiques » qui dresse un état détaillé des connaissances scientifiques et médicales sur ce syndrome.

L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été saisie en 2021 par la direction générale de la santé sur cette thématique. L’agence a réalisé une analyse descriptive des données relatives au SIOC enregistrées sur la période 2001-2021 par le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P). Le rapport d’expertise et l’avis de l’ANSES ont été publiés sur son site en juillet 2023.

1867 cas ont été enregistrés sur 20 ans par le réseau. Il existe des disparités régionales en fonction des compétences locales développées par certains centres régionaux de pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) du réseau. Le nombre n’est donc pas représentatif de l’ensemble des cas. L’analyse montre que 74 % étaient adressés pour un diagnostic de pathologie professionnelle et 17 % pour un diagnostic de pathologie environnementale, les patients avec un SIOC étaient plus souvent des femmes. Par rapport aux autres patients consultant en CRPPE, la recherche d’une cause environnementale était un motif de consultation plus fréquent chez les patients ayant un SIOC.

Les nuisances en cause dans les SIOC en relation avec le travail étaient principalement les peintures, teintures, solvants, diluants (35,1 % des patients), les détergents, désinfectants et composés (25,4 %), les parfums, odeurs (19,9 %) et les agents chimiques organiques sans précision (17,5 %). Les nuisances en cause dans les SIOC en relation avec l’environnement étaient les expositions aux parfums et odeurs (47,2 % des patients), les peintures, teintures, solvants, diluants (26,8 %), les détergents, désinfectants et composés (17,2 %) et enfin, les agents chimiques organiques sans précision (11,2 %).

Dans ses conclusions, l’agence recommande d’utiliser l’outil de dépistage de l’intolérance environnementale idiopathique ou hypersensibilité chimique multiple, « Quick Environmental Exposure Sensitivity Inventory (QEESI) » et d’engager des travaux sur le suivi des patients.

Les symptômes ressentis par les personnes, ainsi que l’isolement psycho-social subi par certaines d’entre elles, nécessitent et justifient une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social s’inscrivant dans un parcours de santé coordonné. Les CRPPE, rattachés aux centres hospitaliers universitaires régionaux, peuvent à cet égard être sollicités.

En termes de reconnaissance, la définition du handicap posée par la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, permet, au vu de l’évaluation du désavantage subi et des besoins de compensation par l’équipe pluridisciplinaire des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), de prendre en compte les conséquences de l’état de santé d’une personne sur ses activités habituelles et sa participation à la vie sociale indépendamment de l’étiquette diagnostique.