Concurrence déloyale dans le secteur de la Coiffure
Question n°7950 - Publiée au JO le 01/07/2025
Concurrence déloyale dans le secteur de la coiffure
Mme Sandrine Le Feur appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, sur les inquiétudes des professionnels de la coiffure. À l'appel de l'Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC), les entreprises de coiffure se mobilisent le 30 juin 2025 place de la Bastille à Paris.
Le modèle du salon de coiffure est mis à mal
Aller chez le coiffeur, c'est prendre soin de soi. Les citoyens le disent, la coiffure leur apporte du bien-être et représente également un moment de lien social. Selon une étude IFOP, neuf Français sur dix considèrent leur coiffeur comme un commerçant indispensable à leur quotidien. Pourtant, la profession est en perte de repères, menacée par une forme de dérégulation et une pression économique plus forte.
Le métier continue de séduire avec 109 306 établissements recensés fin 2022, soit une hausse de plus de 7 % en un an. Toutefois, cette dynamique cache la réalité brutale d'une désaffection des Français pour les salons de coiffure. En effet, les emplois salariés reculent sur la période, pendant que les micro-entrepreneurs progressent de + 4,8 %. Une transformation est à l'œuvre voyant le modèle du salon avec salariés s'effacer au profit de structures plus précaires, moins contrôlées. Un tiers des coiffeurs aujourd'hui en France sont des coiffeurs à domicile.
La coiffure est confrontée à des facteurs socio-économique impactant : inflation galopante, charges sociales jugées intenables, multiplication des contraintes administratives (RGP, accessibilité, registre des métiers etc.) qui découragent nombre de professionnels. L'UNEC pointe également une série de dérives qui grèvent la rentabilité des salons, comme les installations illégales, tarifs volontairement bas, dissimulation d'activité, absence de médecine du travail, cumul irrégulier d'emploi, absence d'affichage des tarifs, non respect des horaires d'ouverture etc.
Ces phénomènes se sont amplifiés dans un contexte où les contrôles promis par l'État restent insuffisants malgré les engagements pris à l'occasion de précédentes réformes. La mobilisation nationale vise donc à dénoncer les pratiques déloyales et à réaffirmer le besoin d'un traitement équitable entre professionnels et la nécessité de contrôles ciblés.
L'enjeu de la disqualification du métier
La qualification fait également figure de point majeur d'attention. Depuis 1946, l'exercice du métier de coiffeur était strictement encadrée, elle nécessitait un brevet professionnel ou un brevet de maîtrise. Ouvrir un salon reposait donc légitimement sur une garantie de compétence, de sécurité et de qualité. En rupture avec cette tradition française, depuis la décision du Conseil d'État en juillet 2023, il est devenu possible de s'installer en salon sans diplôme à condition de justifier de trois années d'expérience sur le territoire français ou européen.
Le Conseil d'État a ainsi estimé que l'exception française portait atteinte au droit communautaire notamment en matière de liberté d'établissement. Cette évolution est perçue par le secteur comme une disqualification du métier.
Dans les faits elle facilite l'installation d'acteurs sans réelle formation et le développement de structures informelles ou aux pratiques discutables.
L'État s'était alors engagé à intensifier les contrôles mais les réalités de terrain montrent leurs insuffisances.
La coiffure est essentielle, elle constitue un pan de l'économie française et crée de l'emploi au cœur des territoires même ruraux. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend instaurer pour soutenir le secteur, pilier de l'artisanat et lutter contre la concurrence déloyale.
Réponse publiée le 02/09/2025
Il est précisé que l'activité de barbier relève également en France du secteur de la coiffure et est soumise aux mêmes exigences en matière de qualification professionnelle. Ainsi, pour exercer légalement l'activité de barbier, il est nécessaire de posséder un diplôme reconnu et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles d'un niveau au moins égal au certificat d'aptitude professionnel (CAP Coiffure pour une activité à domicile) ou au brevet professionnel (BP Coiffure pour une prestation en salon), ce BP incluant une option « Coupe homme et entretien du système pilo-facial ».
Une expérience professionnelle de 3 ans peut également permettre d'accéder à la profession, conformément aux dispositions des articles R. 121-1 à R. 121-4 du code de l'artisanat.
Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), enquêteurs au sein des directions départementales de la protection des populations, diligentent régulièrement des contrôles de salons de coiffure et barbiers afin de vérifier le bon affichage des prix et la qualification professionnelle.
L'emploi de personnes en situation irrégulière ne relève pas de leur compétence mais de celle des agents dont la liste figure à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, notamment les agents de contrôle de l'inspection du travail et les officiers et agents de police judiciaire.
Si l'activité réglementée n'est pas exercée par ou sous le contrôle effectif et permanent d'une personne qualifiée, la sanction encourue est une amende pénale de 7 500€, avec fermeture d'établissement et publicité de la sanction prononcée le cas échéant, en application des articles L. 151-2 à L. 151-4 du code de l'artisanat.
Les contrôles diligentés par la DGCCRF dans les domaines qui lui reviennent peuvent donc également être réalisés de façon conjointe et organisée avec ces autres administrations, dans le cadre de comités opérationnels départementaux anti-fraude. Aux différents échelons, locaux et nationaux, la DGCCRF - en lien avec la direction générale des entreprises qui réglemente la qualification professionnelle des professions artisanales telles que la coiffure – se mobilise pour réguler ce secteur.
Des échanges ont lieu à ce sujet avec les organisations professionnelles, en particulier l'Union nationale des entreprises de coiffure. Une vigilance dans le secteur de la coiffure et des barbiers continuera d'être apportée en 2025. De nombreux contrôles seront diligentés sur l'ensemble du territoire.
Enfin, si les salons de barbiers, à l'instar des salons de coiffure, ne bénéficient pas d'une dérogation de plein droit au repos dominical, ils peuvent néanmoins, sous certaines conditions, employer des salariés le dimanche. Cela est notamment possible sur autorisation préfectorale (article L. 3132-20 du même code) ou dans le cadre des dérogations géographiques prévues aux articles L. 3132-24 et suivants du code du travail. En l'absence d'une telle dérogation, rien n'interdit l'ouverture de ces établissements le dimanche, à condition qu'aucun salarié n'y travaille et sous réserve qu'aucun arrêté préfectoral de fermeture ne soit pris en application de l'article L. 3132-29 du code du travail. De manière générale, les services de l'État exercent un contrôle sur l'ensemble des établissements, y compris les salons de barbiers. En cas de manquement aux règles relatives au repos hebdomadaire ou dominical constaté par l'inspection du travail, l'employeur s'expose aux sanctions pénales prévues à l'article R. 3135-2 du code du travail, pouvant aller de 1 500 euros d'amende à 15 000 euros en cas de récidive.
Enfin, concernant les contraintes réglementaires, le gouvernement travaille actuellement à un projet de loi Simplification de la vie économique des entreprises. Ce dernier comprend plusieurs mesures relatives aux commerces, telles que la mensualisation des loyers, l'encadrement du dépôt de garantie ou encore la définition des locaux concerné par le droit de préemption.