Question n°11531 – Publiée au JO le 26/09/2023

Baisse du soutien de l’État aux Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD)

Mme Sandrine Le Feur alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion sur l’arrêté publié le 31 juillet 2023 réduisant significativement la Contribution au Développement de l’Emploi (CDE) destinée à financer les emplois créés dans le cadre des Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée.

Calculée initialement sur la base de 102 % du Smic brut, le nouvel arrêté prévoit une baisse de ce taux à 95 % à partir du 1er octobre 2023. Concrètement, cet arbitrage se traduira par une baisse de plusieurs millions alloués cette année à l’expérimentation, qui repose pourtant sur un modèle économique déjà fragile puisque les EBE doivent composer avec différentes contraintes économiques, parmi lesquelles se situer hors de tout champ concurrentiel et s’en tenir à un territoire fini.

Si cet arbitrage venait à être confirmé, il serait de nature à fragiliser les EBE en entraînant une baisse de 1700 euros par ETP de la CDE totale (qui comporte une part Etat et une part départementale). Cette perte est conséquente au regard des résultats économiques de ces structures.

Cette réduction du soutien de l’Etat remet également en cause les principes fondamentaux de l’expérimentation Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée, dispositif qui vise l’exhaustivité, c’est-à-dire qui embauche les personnes privées d’emploi sans sélection. Ce principe est notamment prévu par la loi. Faisant face à une diminution des aides, les structures pourraient, à leur corps défendant, être conduites à favoriser les candidats les plus productifs. En ce sens, l’objectif assigné à TZCLD de garantir l’accès à l’emploi de toutes les personnes volontaires et de mettre fin à la privation d’emploi durable sur les territoires s’en trouve compromis.

Lorsque la loi prévoyant une deuxième vague d’expérimentation a été adoptée à l’unanimité au Parlement, les parlementaires n’envisageaient pas que cette extensions à de nouveaux territoires éligibles s’accompagnerait d’une remise en cause des paramètres budgétaires pouvant conduire à un dévoiement de la philosophie du dispositif.

Elle rappelle que sa circonscription comporte un territoire nouvellement habilité où 12 personnes privées d’emploi depuis un an ou plus ont intégré l’EBE Nevez Amzer de l’association Droit à l’emploi St Théloc. Depuis le début du projet, 30 personnes ont déjà retrouvé un emploi grâce à cette dynamique. Un exemple parmi d’autres des bons résultats et de l’efficacité du dispositif, que la France met d’ailleurs en avant à l’international, en témoigne la présentation faite il y a trois semaines au forum politique de l’ONU pour illustrer les avancées du pays en faveur des objectifs de développement durable. Différents avis et rapports récents du Comité européen des régions et du rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme et l’extrême pauvreté recommandent la mise en place d’initiatives locales contre le chômage de longue durée similaires à l’exemple français.

Au plan national, ce sont déjà près de 4000 personnes qui sont sorties de la privation durable d’emploi grâce aux TZCLD. Ce travail risque d’être compromis par le désengagement, même partiel de l’État, qui suscite de profondes inquiétudes sur le terrain.

Elle lui demande de préciser les intentions du gouvernement quant aux moyens dévolus à l’expérimentation Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée et les garanties qu’il peut apporter afin d’assurer la pérennité du modèle des TZCL.

Réponse du 28/11/2023

La loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a prolongé, pour une durée de cinq ans l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle est mise en place dans soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi du 29 février 2016. A ce jour, 58 territoires sont habilités, La possibilité d’augmenter le nombre de territoires habilités au-delà de soixante est ouverte, à titre dérogatoire, par décret en Conseil d’État.

Cette expérimentation fait l’objet d’une évaluation conduite par un comité scientifique, composé de personnalités reconnues pour leurs compétences académiques et de représentants des services des études et des statistiques des personnes publiques intéressées. Ce comité scientifique, présidé par M. Yannick L’Horty, a été installé en juin 2023. Le rapport d’évaluation sera rendu en 2025.

L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’Etat et des départements concernés ainsi que des autres collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au Il de l’article 9 de la loi du 14 décembre 2020 et d’organismes publics et privés volontaires, susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches.

L’expérimentation a bénéficié d’un soutien conséquent et continu de l’Etat : entre 2017 et 2022, le financement de l’Etat est passé de 14,9 M€ en 2017 à 32,8 M€ en 2022. Entre 2021 et 2023 l’augmentation des crédits votés a été de 57 % pour atteindre 44,94 M€, afin de financer en prévisionnel à fin 2023, un volume de 2 276 salariés en Équivalents Temps Plein (hors financements des Conseils Départementaux et autres partenaires).

L’État apporte son concours financier à plusieurs titres. Il finance tout d’abord une dotation d’amorçage pour chaque ETP nouvellement créé, à hauteur d’un taux plafond de 30% du SMIC horaire, mais aussi un Complément Temporaire d’Équilibre (CTE) en cas de déséquilibre financier des structures et enfin une Contribution au Développement de l’Emploi (CDE).

Un décret fixe la Contribution au Développement de l’Emploi (CDE) dans une fourchette de 53 à 102 % du SMIC par emploi. Elle était à 95 % avant la crise Covid, par l’arrêté du 26 décembre 2018. Elle a été montée à 102 % durant la crise Covid, soit le maximum, par un arrêté du 12 juillet 2021. Par un arrêté du 31 juillet 2023 elle a de nouveau été fixée à 95 % à compter du 1er octobre 2023, soit le même niveau qu’en 2019.

Le taux reste dans le haut de la fourchette et n’induit pas une baisse du budget de l’expérimentation. En effet pour 2024, le budget dédié à cette expérimentation est porté dans le projet de loi de finances à hauteur de 68,6 M€, représentant une augmentation de 53% des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2023, ce qui constitue la plus forte croissance du budget du ministère du travail.