Les aides sociales, et a fortiori celles touchant à nos besoins fondamentaux, doivent être conçues pour durer. Les aides ponctuelles n’ont de sens que lorsqu’elles répondent à une situation de l’ordre de l’urgence. Or, la précarité alimentaire ne constitue pas une nouveauté ni une urgence : c’est une tendance de longue date, fluctuante, et qui s’est récemment fortement renforcée.
Rappelons qu’en France, 5,8 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2018 (dernière année connue) et le Secours catholique annonce que ce chiffre pourrait bientôt être de 10 millions suite à la crise sanitaire. Il monte à plus de 20 millions lorsque les publics en situation de fragilité économique sont comptabilisés. Ces constats suggèrent une révision profonde des mécanismes de redistribution de notre pays. La détresse qu’ils reflètent nous confronte à l’échec des promesses économiques des dernières décennies. Nous, élus, devons donc y répondre de manière structurelle.
La convention citoyenne pour le climat interpelle les décideurs, dans son chapitre « Se nourrir », sur la nécessité d’une nouvelle solidarité alimentaire. Qu’est-ce que cela signifie ? Un système permettant à chacun de manger à sa faim, tout en bénéficiant d’un libre arbitre synonyme de dignité, et en respectant les limites planétaires. Les cent cinquante citoyens de la convention citent à titre d’exemple un dispositif du type « chèque alimentaire », tout en invitant « les administrations et assemblées compétentes (…) à se saisir de cette question et à inventer des systèmes redistributifs ». Ici, le chèque alimentaire n’est qu’un premier jalon de réflexion, non une incantation.
Vers les produits locaux durables
Et il se trouve justement que, depuis de nombreuses années maintenant, les réflexions concernant de nouveaux dispositifs de ce type sont foisonnantes. En comparaison de dispositifs tels qu’une sécurité sociale alimentaire, les chèques alimentaires récemment plébiscités manquent d’envergure.
Certes, un chèque alimentaire aux mains des centres communaux d’action sociale (CCAS) aurait le bénéfice d’être rapidement déployé, car facile d’utilisation, compréhensible et ne nécessitant pas de transformation des structures de gouvernance. Mais permettrait-il de s’assurer que l’argent public facilite la transition agroécologique ? Pour cela, il faudrait le flécher vers les produits locaux durables.
Permettrait-il de juguler l’épidémie grandissante d’obésité, touchant plus particulièrement les publics précaires ? Pour cela, il faudrait le flécher vers les produits bruts et peu transformés.
Permettrait-il, enfin, de s’assurer que les publics éligibles y aient recours, et donc de dépasser les divers freins administratifs et psychologiques expliquant l’insuffisante couverture du système d’aide alimentaire actuel ? Et de professionnaliser un secteur encore très dépendant de la main-d’œuvre bénévole et retraitée ? Il est fort à parier que non.
Proportionnelle aux revenus
Un certain nombre de cercles de réflexion, d’instituts de recherche, de structures associatives et de personnalités publiques préconisent plutôt la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation durable. Accolée à la sécurité sociale actuelle, et possiblement proportionnelle aux revenus, elle favoriserait le développement d’une vision préventive de la médecine tout en touchant tous les publics dans le besoin (voire en étant universelle).
Elle permettrait à la fois d’irriguer économiquement les professionnels du secteur agricole, du secteur de l’aide alimentaire, de dynamiser l’économie locale, de favoriser une transition agricole agroécologique, et de redonner de la dignité à des publics en ayant été longtemps dépourvus. L’ingénierie politique et budgétaire de ce dispositif, bien plus prometteur, est désormais pensée par de nombreuses structures et experts.
N’est-il pas temps de concevoir un scénario ambitieux plutôt qu’un dispositif insuffisant dès sa genèse ? Bien sûr, une mise en place progressive est à envisager. Et bien entendu, les obstacles techniques et politiques d’un tel système sont évidents. Mais ni la complexité ni la rapidité des rendements politiques ne devraient dicter le fonctionnement de nos institutions. C’est pourquoi, en tant que députée de la majorité, je défendrai un dispositif en faveur d’une véritable transformation.
Je lance ainsi, dès maintenant, un appel à participation à la conception d’une expérimentation. Si votre structure porte des réflexions à ce sujet, ou souhaite s’impliquer, je vous invite à remplir le formulaire ci-dessous et je reviendrai rapidement vers vous.
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Tribune publiée dans le journal Le Monde :